Les Chevaliers du Vent

AMT 2012

Annapurna Mandala Trail XII au Mustang (6 au 23 avril 2012)

Au programme: 275 km (300 km réels), +/-12.400 m.

 

Au Royaume du Mustang

Après le Manaslu, le Mont-Kailash, Humla Valley, le Dolpo et la Rolwaling, les Chevaliers du Vent poursuivent leur exploration des endroits reculés, protégés ou « défendus » de l’Himalaya. Au printemps, la Mandala a fait escale au Mustang, autrefois le « Royaume Interdit ». Une édition spéciale dans un cadre unique. Les concurrents ont ainsi pu trouver un équilibre entre l’intérêt sportif et l’attrait culturel. Entre une course engagée et une région empreinte de minéralité et de spiritualité. Sur les hauts plateaux lowas, avec les montagnes du Tibet au Nord et la grande barrière des Annapurnas, des Nilgiris et des Dhaulagiris au Sud.

Pour une première, ce fut une première… Car si le premier Européen à fouler le sol du Royaume de Lo fut le géologue suisse Toni Hagen en 1952, les participants à la Mandala 2012 furent les premiers à découvrir le Mustang par la versant course à pied. Cette idée d’exploration, par le prisme de la course aventure, est devenue l’un des traits qui caractérisent les épreuves des Chevaliers du Vent. Il n’y a pas que la « démesure », propre à Himal Race, qui mesure l’impact de l’exploration des limites géographiques, physiques et mentales. Le parcours tracé par Bruno Ringeval a donné une dimension autant athlétique que spirituelle à la Mandala. Même si le « marathon » entre Tangye et Muktinath fut d’anthologie : 45 km, +2600 m, -2300 m, cinq cols à plus de 4200 m et 35 km à plus de 4000 m. Une étape où le peloton fut isolé du monde, prisonnier d’immensités désertiques, de cirques lunaires et de gorges profondes. Même si pour la première fois, encore, lors d’une montée et une descente verticale (20 km +/-1750 m), de Muktinath (3670 m) au Thorong La (5420 m), en aller/retour, les participants ont pu se mesurer à la haute altitude. Et enfin, l’ultime étape, inédite, entre Muktinath et Jomsom, en passant par Lupra et Phalayak, qui a permis aux concurrents de croire qu’il était possible de toucher du doigt les massifs des Nilgiris et du Dhaulagiri…

Beaucoup de « première fois » ont émaillées la Mandala au Mustang. Et pour 2013, avec un itinéraire vers le Dhaulagiri, et 2014, avec un voyage au Haut Dolpo, le Pays Caché, ce sera encore le cas… En 2012, c’est au cœur du Royaume de Lo que les corps des Chevaliers du Vent et des Amazones du Ciel se sont découverts. Et parmi tous ces petits suppléments d’âme, il y avait celui de Cyrille Lambert… De la première foulée au dernier pas, ce militaire de métier et pyrénéen d’esprit s’est senti comme chez lui. « Le déplacement à pied fait partie de mon code de travail, confie Cyrille. C’est la première fois que j’allais aussi haut en montagne. Et naturellement, la première fois que je venais au Népal. J’ai aimé ce pays où l’autochtone reste encore le maître. Cette notion de liberté me tient à cœur… Elle fait partie de mon travail. Mais être « libre » dans un endroit, c’est aussi la meilleure façon de se retrouver avec soi-même sans oublier les autres… Dans de tels paysages, le statut de coureur est dépassé. Tu n’es pas en compétition, mais dans un mode de déplacement libre et personnel où tu peux apprécier les choses à leur juste valeur. »

« Le déplacement n’a pas vraiment de limite… »

Philippe Frey a dit : « L’aventure, c’est de mettre sa vie en danger. » Maurice Herzog pense qu’il vaut mieux la préserver [sa vie], tout en prenant le risque de réaliser ses rêves… Cyrille navigue entre les deux pensées. « Si je compare le fait de courir en montagne avec mon travail, j’étais loin d’être dans mes retranchements au Népal. Dans les deux, je ne m’engage jamais à 200%. L’aspect sécurité est toujours dans mon esprit. Cela m’a permis de me sauver la vie et de sauver des vies… Avec le parachutisme et la plongée, l’extrême face aux éléments, je connais. Etre entre l’air et l’eau, c’est quelque chose que j’ai retrouvé au Népal. Entre les deux, il y a la raison. C’est cela qui ramène à la vie. Dans l’Himalaya, avant le voyage, il y a le déplacement. Le déplacement n’a pas vraiment de limite car il n’y a pas de finalité. Alors que le voyage est un passage dans quelque chose. Il n’y avait pas de danger au Mustang. Nous étions loin de la vie moderne et de ses agressions. Le Pays de Lo est calme et je m’y suis senti libre, et même libéré, pendant ces deux semaines… Finalement, j’avais besoin de ce « passage », de cette « vie spirituelle ». J’ai pris du plaisir à visiter les gompas (monastères bouddhistes). Et je l’avoue, je suis revenu avec un peu plus d’ouverture d’esprit… »

Lorsque l’on écoute Cyrille, « monstre » physique, regard d’acier et sourire carnassier, la première impression est de se dire que Terminator peut être humain. Que lorsqu’il quitte sa tenue de combat, il est totalement dans la pensée de Friedrich Nietzsche : Deviens ce que tu es. « Dans 90%, c’est cela, s’épanche-t-il. Par rapport à l’inné et au cognitif, il faut savoir revenir sur soi. Mon métier ne m’empêche pas d’être zen. Hormis à Kathmandu, j’ai ressenti le calme et la plénitude durant tout mon séjour au Népal. C’était comme une grosse libération. Le sentiment d’être dans un monde idyllique. » Et de préciser, souriant : « Une zénitude proche du mec shooté des années 70… » Puis, plus sérieusement : « Par rapport au cognitif, l’inné a toute sa place, car il permet d’avoir une meilleure analyse de ce que tu vas apprendre et comprendre. » Avec 20 ans de sport de combat : krav maga, muay boran, taekwondo et le judo, en art martial comme garde-fou, sans être d’obédience bouddhiste, Cyrille confie qu’une certaine « spiritualité s’est dégagée, mais elle est multiple et complexe… Personnellement, je crois en l’Amour au sens large et générique. »

« Une notion d’infini et proximité avec le ciel… »

Sur ce Mandala minéral et spirituel, Cyrille ne fut ni le centre ni le cercle, mais comme avec l’eau et l’air, entre les deux. Certainement le meilleur « endroit » pour libérer ses sens. « Comme l’Homme revient alors à la Nature, je me suis déplacé avec mes cinq sens, explique-t-il. La vue, d’abord, avec cette notion d’infini et la proximité avec le ciel, en harmonie complète avec les paysages… La parole, avec un vieux monsieur qui donnait un cours d’alphabet à Dakmar à des enfants. Je me suis assis sur le banc et j’ai répété avec les gamins… L’odeur, la même qu’à Font Romeu, celle de l’air pur, celui de la montagne… Le toucher, l’eau qui était « lourde », chargé en minéraux, et cette femme qui se lavait les cheveux à Yara Gaon. C’était la perception du toucher et un ressenti par rapport aux autres voyages, notamment en Polynésie. Le goût, celui du Dhal Bat en bouche. J’avais l’habitude de manger du riz (bat), mais aux lentilles (dhal), jamais… » Et le sixième sens ? « La Contemplation, répond Cyrille sans hésiter. Le fait d’être loin de l’actuelle société occidentale, auprès de gens qui donnent, sans le besoin de recevoir, est une source pour la Contemplation de cet autre monde qui t’entoure… »

Cyrille a terminé son voyage comme il avait débuté : zen. Dans ce « lâcher prise » inconscient, il est revenu apaisé… Le Royaume de Lo n’est plus un Mustang Interdit. Et déjà, il est dans un nouveau déplacement : « Pour aller plus haut, lâche-t-il. Au sommet du Tukuche (6920 m), en novembre. Et puis, en 2013, sur Himal Race ou l’Everest Sky Race. » Histoire de revenir au Pays où les Chevaux du Vent n’achèvent jamais leur Course. Où finalement, courir en liberté permet de devenir celui que l’on est…

Bruno POIRIER.

Album-Photos

Vidéos

Vidéo – Un Prince au Royaume de Lo de Fabien Brusson – 2012 (1h10’15) : Disponible ici

Vidéo – La Mandala au Mustang 2012 de Jean-Marc Wojcik – 2012 (14’53)

Diaporama

Diaporama Photos de Bruno Ringeval – Mustang (08’10)

 

Haut de la page